Mourir à un état considéré comme « inférieur » pour renaître à un état « supérieur », comme on passe de l’ombre à la lumière, tel est le thème fondamental de la plupart des initiations.
« L’Initiation … est une mort avec compensation qui toujours exige une renaissance à un tout autre état sans commune mesure avec le premier », écrit l’occultiste Jean d’Encausse dit Papus (1865-1916).
Dans toute société initiatique, le sentiment intime d’une transformation de l’individu se fait par la mort symbolique suivie de la résurrection à une vie nouvelle, présumée meilleure que l’ancienne ce que d’aucuns appellent une « palingénésie », c’est-à-dire, en termes didactiques, une « renaissance des êtres, ou des sociétés, conçue comme source d’évolution. » (cf. Dictionnaire Le Robert).
Mourir pour naître vraiment
Cette idée de devoir mourir afin de naître vraiment est souvent associée au principe des alchimistes : « il faut dissoudre avant de coaguler, c’est la loi du ciel et de la terre. » L’alchimie fait « pourrir » et se décomposer la matière noire, lourde et grossière afin de parvenir, par de savantes distillations, à préparer la pierre philosophale et à transmuter des choses viles en des choses précieuses.
J.B. Willermoz, l’architecte principal du RER, souligne : « l’absolue nécessité, pour l’homme, de purger son âme des vices, des passions et des préjugés mondains qui obscurcissent l’intelligence et privent l’âme de toute l’énergie qui lui est nécessaire pour avancer dans la carrière de la Vertu. Ce renoncement, cette conversion, cette réconciliation est le plus sûr moyen de faire recouvrer à l’homme sa liberté primitive. » (cf. J.B Willermoz, Discours pour la réception d’un Apprenti franc-maçon – 1780). La mort initiatique rappelle à l’initié la nécessité de lutter contre l’instinct de possession à l’égard de ses anciens repères et croyances, à renoncer aux habitudes du monde en luttant contre les vices, les passions et les préjugés.
Le maçon Alain Pozarnik aime à dire que « le contraire de la mort ce n’est pas la vie, mais la naissance ! » L’initiation confère à la mort une fonction positive : celle de préparer la « nouvelle naissance » qui permet « l’accès à un mode d’être soustrait à l’action dévastatrice du temps » Mircéa Eliade, Naissances mystiques Ainsi, la mort n’est plus ici un évènement mais un avènement.
Mourir et renaître
Mourir pour renaître à une vie nouvelle, c’est ce que les Maçons appellent la « deuxième naissance ». Louis Claude de Saint Martin affirme : « La mort corporelle de l’homme est sa seconde naissance. »
En associant la mort à la renaissance, la Franc-Maçonnerie exprime le sentiment d’une irréfragable volonté de survie et donne de la mort une vision optimiste proche de la formule d’Héraclite au 6ème siècle av. J.-C. : « Les hommes vivent de mort et meurent de vie. Vie et mort, veille et sommeil, jeunesse et vieillesse, sont une même chose : elles sont mutuelles métamorphoses. »
La mort dans le judaïsme n’est qu’une étape n’ayant rien de définitif, de même que toute naissance appelle une mort, inversement toute mort appelle une naissance, le dernier instant d’une vie est le premier instant d’une autre vie. La Sagesse juive énonce en ce sens : « Ceux qui naissent sont destinés à mourir, et ceux qui meurent sont destinés à vivre. » Comme le souligne Rabbi Yaacov « le monde présent n’est que l’antichambre du monde futur, prépare toi dans le vestibule afin de pouvoir entrer dans le palais ».
Le poète mystique allemand Angelus Silésius (1624-1677) s’écrie :
« Je ne crois en nulle mort ;
Je meurs à toute heure
Et chaque fois je n’ai trouvé
Qu’une vie meilleure. »
Ainsi, c’est par la mort que la vie se régénère. Retenons cette maxime des Rose Croix : « il faut savoir mourir pour revivre immortel » ou cette réflexion de Mircea Eliade (1907-1986) : « … souvent la mort (…) n’est que le résultat de notre indifférence devant l’immortalité. »