Les inspirations de la doctrine martinésienne dans le RER (1ère partie)
Plusieurs rajouts lourds de sens symbolique sont introduits par Jean-Baptiste Willermoz dans les versions du rituel du grade d’Apprenti du RER après le Convent de Wilhelmsbad de 1782 . Ces rajouts, effectués entre 1786 et 1788, sont des innovations fortement imprégnées de la doctrine martinésienne. En voici quelques exemples non exhaustifs.
L’épreuve de la Justice et de la Clémence
Les emblèmes de la Justice (à l’Orient) et de la Clémence (à l’Occident) font leur apparition pendant la cérémonie de réception au grade d’Apprenti. Ils sont successivement présentés au récipiendaire lorsqu’il reçoit « le premier rayon de lumière ».
On peut voir dans cette épreuve, un point de doctrine cher à Martinès de Pasqually qui considère que c’est en tempérant la rigueur de Sa Justice, dont « les lois sont éternelles et immuables » précise le rituel, que le Créateur n’a pas détruit l’homme corrompu. C’est aussi grâce à Sa Clémence que l’homme dégradé, l’Adam déchu, c’est-à-dire l’homme actuel, conserve la possibilité de se réhabiliter pour chercher à atteindre sa Réintégration en son état primordial.
Cette épreuve se termine, ce qui est aussi une nouveauté, par une référence à la loi évangélique du pardon des offenses et à l’exclusion de toute idée de vengeance :
« Mon Frère, si vous apercevez dans cette Loge un de vos ennemis, seriez-vous prêt à lui pardonner ? »
Dès que le candidat a répondu affirmativement, le Second Surveillant le fait retourner face à l’Orient et, au même instant, le Premier Surveillant dit :
« Vénérable Maître, l’Apprenti a subi l’épreuve de la Justice et de la Clémence. »
L’épreuve des éléments
Dans cette nouvelle version du rituel le candidat au grade d’Apprenti rencontre, au cours de ses voyages, les éléments : le feu au Midi, l’eau au Nord, la terre à l’Occident.
Le Rite Français, à la même époque, et plus tard le REAA accordèrent également aux éléments une place centrale dans la cérémonie de réception au 1er grade en tant qu’épreuves de purification mais dont la signification est toute différente de celle du Rectifié. Le Rite Écossais Rectifié se distingue, en effet, en présentant dans sa symbolique non pas quatre (comme dans les autres rites maçonniques), mais trois éléments.
J-B. Willermoz écrivait par ailleurs à ce sujet : « Vous avez peut-être été étonné de n’entendre parler que de trois éléments, au lieu de quatre que l’on admet vulgairement pour la formation et la composition des corps. » Et de poursuivre : « Il n’y a effectivement que trois éléments, comme il n’y a que trois principes fondamentaux, que l’on dénomme philosophiquement soufre, sel et mercure, ou feu, eau et terre. »[1] J-B. Willermoz se détache ainsi de la théorie des quatre éléments des Grecs anciens et du symbolisme général maçonnique, de même d’ailleurs que des principes édictés par l’alchimie.
En fait, le choix des trois éléments feu, eau et terre, l’absence de l’air en tant qu’élément, l’ordre précis dans lequel ces éléments sont ordonnancés, leur mode d’action pendant la cérémonie de réception, les endroits où se situe la rencontre avec chaque élément dans la loge, les maximes qui y sont associées sont inspirés sans nul doute par la doctrine martinésienne dans ses aspects cosmologiques.
Le rituel du Rectifié parle des trois « régions élémentaires » que le candidat parcourt pendant ses voyages qui sont à rapprocher, ici aussi, de la théorie ésotérique de Martinès de Pasqually qui considère que la Terre a la forme d’un triangle équilatéral dont la pointe regarde l’Occident, chaque angle étant occupé par un des trois éléments fondamentaux de la matière.
(Tiré du livre de JC Sitbon : « L’aventure du Rite Ecossais Rectifié » T1
A SUIVRE
[1] Instruction Secrète des Grands Profès.