L’homme n’est pas unidimensionnel. Il possède une double nature car il est marqué par le mystère de sa double origine évoquée notamment par les textes bibliques.
La double origine
En Genèse 2, 7 nous lisons, en effet : « Et l’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière du sol, et il souffla dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être animé (ou, suivant d’autres traductions, un être vivant). » Dans ce passage, le récit établit une claire distinction entre l’origine du corps, la poussière du sol, et celle de l’âme, le souffle de Dieu. Par l’effet conjugué des deux, l’homme devint une âme vivante, ce qui signifie un être vivant.
L’enseignement sur la double origine de l’homme est corroboré par d’autres passages de l’Écriture :
1 Corinthiens 15, 45
« C’est l’origine divine de ce souffle de vie dont elle est animée, qui fait que l’âme humaine possède en elle un organe pour remonter à Dieu et communiquer avec lui, comme elle communique avec le monde extérieur par le corps. Cet organe supérieur de l’âme, en tant que distinct de celle-ci, se nomme l’esprit. »
Ainsi, l’homme est formé de la poussière du sol, de la terre. La terre est ici symbole des désirs terrestres, des désirs matériels et sexuels. L’homme est naturellement porté à rechercher la satisfaction de ce type de désirs, bases élémentaires de survie pour l’individu et pour l’espèce. Mais l’homme est en même temps la créature par le « souffle de Dieu ». Il est ainsi enfant de l’esprit créateur, fils de la Lumière, tout en étant né de la terre.
J.B. Willermoz met en exergue cette dualité de l’homme due à sa double origine lorsqu’il écrit que, par sa nature terrestre, « l’homme est esclave des sensations et des besoins physiques », par sa nature divine, « il fait éclater la grandeur et la noblesse de son origine ».
Louis Claude de St Martin reconnaît « deux êtres dans l’homme » : l’être sensible et l’être intellectuel, et pour principe universel « la Cause intelligente et active », c’est-à-dire le Verbe animant la matière. Le philosophe inconnu écrit : « Depuis sa chute, l’homme s’est trouvé revêtu d’une enveloppe corruptible parce qu’étant composée, elle est sujette aux différentes actions du sensible qui n’opèrent que successivement et qui, par conséquent, se détruisent les unes les autres. Mais, par cet assujettissement au sensible, il n’a point perdu sa qualité d’Etre intelligent en sorte qu’il est à la fois grand et petit, mortel et immortel, toujours libre dans l’intellectuel, mais lié dans le corporel par des lois indépendantes de sa volonté, en un mot, étant l’assemblage de deux natures diamétralement opposées, il en démontre alternativement les effets d’une manière si distincte qu’il est impossible de s’y tromper… »
La double tension
Cette double origine exprime clairement les deux possibilités devant lesquelles se trouve l’homme en permanence : écouter sa nature terrestre, son être existentiel, l’appel à la multiplication souvent excessive des désirs qui dispersent ou égarent ou bien alors écouter son être essentiel, sa nature divine.
L’homme est ainsi partagé entre deux penchants, celui qui entraîne des pulsions destructrices voire autodestructrices et celui qui constitue un immense potentiel d’amour et de générosité. C’est ce double aspect qui confère à l’homme toute son humanité.