La « Lettre à un candidat à l’admission dans une Loge Rectifiée », écrite par Jean-Baptiste Willermoz, est significatif de la pensée que le maçon lyonnais portait sur la franc-maçonnerie de son époque.
L’original de cette lettre est conservé à la Bibliothèque Municipale de Lyon dans l’important fonds de manuscrits « Willermoz », sous la référence Ms 5918 bis. Non datée, cette lettre est classée avec d’autres datées, elles, de 1778 à 1786. Ce texte de J-B. Willermoz (cliquer sur ce lien pour accéder au texte) a pour titre : « Extrait d’une lettre à laquelle on pourra avoir recours pour donner une idée de la maçonnerie en général, et du Régime Réformé en particulier ».
Cette lettre est adressée à un profane que J-B. Willermoz, principal architecte du Rite Ecossais Rectifié, semble apprécier : « l’estime particulière que vous m’avez inspirée, ainsi qu’à tous ceux qui ont l’honneur de vous connaître … un homme aussi honnête et aussi réfléchi (que vous)… » A moins qu’il ne s’agisse de termes de politesse convenus, caractéristiques de l’époque.
Willermoz évoque un rite exigeant
Cette lettre, avait, d’après les dires de son rédacteur, pour objectif final de porter le candidat « à examiner sérieusement quel est le régime qui conviendrait le mieux à vos vues et à vos goûts, et je me ferai ensuite un devoir et un plaisir de vous indiquer les portes de celui que vous aurez préféré. » On ne sait pas comment cette lettre, aux propos souvent sibyllins pour un profane, a été reçue par son destinataire mais on peut douter qu’elle l’ait vraiment éclairé dans le choix qui lui était proposé.
En effet, compte tenu du fait qu’il n’est pratiquement rien dit sur le Régime Rectifié sinon qu’il s’agit d’un rite exigeant, comment le candidat peut-il faire part de sa préférence entre ce Régime maçonnique et un autre, comme l’y invite expressément la lettre de J-B. Willermoz ? A moins que ce courrier ne constituât qu’une étape préparatoire à une nouvelle rencontre et discussion avec le candidat.
En fait, cette lettre paraît davantage s’adresser, de manière indirecte, aux maçons qu’à un candidat profane cherchant sa voie. Ce qui est dit à propos de l’origine et des buts de la Franc-Maçonnerie semble sonner comme un rappel à la vérité de Frères jugés ignorants ou ayant pris des voies non conformes « au but primitif de l’Ordre ».
Willermoz, courage et franchise
J-B. Willermoz donne parfois l’impression de régler indirectement ses comptes avec ses détracteurs ou ses ennemis, ou avec les maçons qui se sont dévoyés de ce qu’il a appelé, dans plusieurs de ses écrits, la « vraie Maçonnerie ». S’il se fait ici donneur de leçons et s’il n’hésite pas à employer un ton persifleur non dénué d’une certaine suffisance, on doit reconnaître, chez lui, du courage et une certaine franchise dans le constat certainement réaliste qu’il dresse à propos des égarements d’une partie des maçons.
La période qui s’étale du Convent de Lyon de 1778 au Convent de Wilhelmsbad de 1782 fut décisive dans l’organisation et la structuration définitives du Régime Écossais Rectifié. J-B. Willermoz pouvait se flatter à cette époque de succès personnels importants dans l’élaboration de ce nouveau système maçonnique. Tout ceci pourrait expliquer la tonalité péremptoire de sa lettre qui apparaît provenir d’un homme expérimenté et sûr de lui, qui ne semble habité par aucun doute particulier.
Le texte de « La lettre à un candidat » de J.B. Willermoz est largement commenté par Jean-Claude Sitbon dans le Chapitre V du Tome 1 de « L’Aventure du Rite Écossais Rectifié ».