Camille Savoire publia, en 1935, une importante déclaration à propos du Rite Écossais Rectifié : « Pourquoi avons-nous voulu réveiller le Rite Ecossais Rectifié ? »

La déclaration de Camille Savoire

Notre article « Camille Savoire et le Rite Ecossais Rectifié », paru sur ce site le 30 décembre 2014, rend compte que ce personnage fut, avec Edouard de Ribaucourt, un des principaux acteurs du réveil du  Rite Ecossais Rectifié en France (1) qui eut lieu à partir de 1910. Plusieurs lecteurs ont demandé communication du texte de la Déclaration de 1935 de Camille Savoire, ce que nous faisons bien volontiers. 

(1) Le chapitre II du Tome 1 de L’aventure du Rite Ecossais Rectifié  de Jean-Claude Sitbon raconte les circonstances du réveil en France de ce rite au début du XXe siècle et ses difficultés au sein du GODF, difficultés qui allaient conduire à diverses scissions.

Les phrases de cette Déclaration surlignées par nous en gras expriment l’orientation de Camille Savoire vers un « christianisme maçonnique », loin de tout dogme ecclésial.

Le texte de la Déclaration de Camille Savoire

« POURQUOI VOULONS-NOUS REVEILLER LE RITE RECTIFIE EN FRANCE ? »

 » J’affirme, contrairement à certaines allégations dont les auteurs se font un tremplin de la lutte contre le Rectifié pour des buts que nous refusons de connaître, que notre projet ne vise aucunement à rompre les liens unissant le Grand Collège au Grand Orient ou au Conseil de l’Ordre, ni à établir plus solidement l’autonomie du Grand Collège et encore moins à chercher par une voie détournée à introduire à nouveau l’obligation d’emploi du symbole du Grand Architecte de l’Univers et de la croyance à certains dogmes métaphysiques au Grand Orient ni surtout à rompre l’unité du Grand Orient de France, cette rupture si elle s’effectuait serait le résultat de nos détracteurs.

Nous estimons que le vote de 1877, confirmé par l’interprétation qu’en a donné la délibération du Conseil de l’Ordre en date du 26 octobre 1878, autorise l’affirmation autant que la négation desdites croyances et l’usage facultatif du symbole et des formules. Loin de nous la pensée de vouloir rendre les unes et les autres obligatoires au sein du Grand Orient de France. Nous n’y avons jamais songé, non plus que nous n’avons le désir d’imposer la pratique du Rectifié à qui que ce soit ; nous en ouvrirons avec plaisir les portes aux Maçons et profanes dignes d’y entrer, après qu’ils en auront de leur plein gré postulé l’accès et que, sans sollicitation, ni pression de qui que ce soit, ils auront déclaré accepter les décisions des Convents de Wilhlemsbad et de Lyon concernant l’intangibilité des formes rituelles mais non de leur interprétation.

Quant à nous croire guidés par un sentiment d’ambition personnelle, c’est un soupçon qui ne saurait atteindre les partisans de l’œuvre de rénovation qui ont tous donné trop de preuves de leur désintéressement, de leur dévouement à l’œuvre et de leur agnosticisme pour qu’on puisse les suspecter. L’idée qui les anime est un simple sentiment de reconnaissance, et d’attachement pour l’Obédience et le Rite dont ils ont compris la grandeur et la beauté lorsqu’ils y ont été admis.

En ce qui me concerne, je reconnais que c’est lors de mon admission au sein du Rectifié que j’ai trouvé le chemin de l’initiation et compris le caractère initiatique de la Franc-Maçonnerie. Ce sentiment, tous les Maçons du Grand Orient reçus au grade de C.B.C.S., qu’ils soient athées ou déistes, matérialistes ou spiritualistes, catholiques, protestants ou Israélites d’origine devenus libres-penseurs, l’ont ressenti intensément. Ils ont surtout apprécié la cordialité, la solidité du lien qu’il établit entre ses adhérents. C’est pour cela qu’ils ont voulu créer en France un anneau de la Chaîne d’Union Templière Universelle. 

D’autre part, ils ont pensé qu’il était opportun de créer en France, au sein des Obédiences régulières existantes un groupement maçonnique ayant avec les diverses obédiences étrangères des relations étroites susceptibles de créer entre elles et la Maçonnerie française, jusqu’ici tenue à l’écart, un trait d’union.

Ils ont estimé aussi que l’orientation politique vers la participation à la lutte des partis, adoptée ou préconisée par la plupart des adeptes des Obédiences françaises constituant la principale raison de l’ostracisme dont elles sont l’objet de la part des Maçonneries anglo-saxonnes et, il faut bien le dire aussi, de leur recrutement trop souvent défectueux, parce que trop intensif, et des attaques dont elles sont l’objet au sein du monde profane n’amènent le découragement et la démission de nombreux Maçons.

C’est pourquoi ils ont voulu créer un foyer maçonnique soustrait à toute influence politique, tenu rigoureusement à l’écart des discussions concernant les partis politiques ou les clans sociaux et des controverses sur les questions brûlantes les concernant ou relatives, aux polémiques, religieuses ou métaphysiques et surtout aux revendications égoïstes des intérêts corporatifs ou de classes sociales.

Ce faisant, ils ont voulu retenir dans la Franc-Maçonnerie les Frères désireux pour ces raisons de s’en écarter et attirer des éléments intellectuels ou sociaux que l’insuffisance d’intellectualité des travaux et surtout lia tendances politiques, philosophiques ou sociales de certains Ateliers des obédiences françaises éloignent d’elles ou leur en interdit l’entrée. En les recevant dans son sein, la nouvelle organisation les séparera nettement des adversaires de l’Ordre auxquels ils s’associent souvent inconsciemment ou involontairement par les critiques ou appréciations dubitatives ou malveillantes dont ils gratifient parfois la Franc-Maçonnerie. Tels sont les motifs qui les ont guidés et qui ont fait justice à leurs yeux des reproches d’archaïsme adressés aux formes rituelles du Rectifié, étant donné surtout qu’en Maçonnerie tout n’est que symbole dont l’interprétation est laissée à la libre appréciation de chacun.

J’avoue que le libre-penseur que j’ai toujours été n’a manifesté en entrant au Rite Rectifié aucune hésitation, ni éprouvé aucun scrupule lorsqu’on lui a demandé de déclarer qu’il professait l’esprit du christianisme, surtout lorsque le Grand Prieur a ajouté « il s’agit ici de l’esprit du Christianisme primitif résumé dans la maxime : Aime ton prochain comme toi-même ». 

Quant à la présence dans le Temple d’un livre ouvert à la première page de l’Evangile de Saint-Jean, sur lequel le néophyte prête serment, je ne m’en suis nullement offensé, car il constitue non pas un texte religieux, mais un résumé très éclectique de l’ésotérisme ancien expliquant l’origine de la Vie dans l’Univers. J’éprouvai d’autant moins de répugnance à l’accepter que, traditionnellement, Saint-Jean est le parrain patronymique de toutes les Loges maçonniques symboliques qui sont désignées depuis les plus lointaines origines, sous le nom de Loges de Saint Jean. C’est d’ailleurs une question que je développerai plus longuement dans mon ouvrage Regards sur le Temple, au chapitre « L’esprit maçonnique est-il compatible avec l’esprit religieux ? »

Que voulons-nous constituer ? Un centre éducatif de culture morale et spirituelle, cherchant par l’enseignement mutuel et l’exemple à réaliser le perfectionnement moral et intellectuel de ses adeptes choisis parmi les élites de tous les milieux sociaux, si humbles soient-ils, dont les intentions seront pures. Nous voulons que chacun, en entrant dans le groupement que nous formerons, abandonne à la porte la revendication de ses droits pour ne songer qu’à l’accomplissement de ses devoirs, avec le fervent désir de travailler à extirper de son être tout sentiment d’égoïsme, développer son intelligence, sa raison et surtout son cœur. Convaincus que c’est d’en haut que doit venir la lumière initiatique, non voulons que le recrutement des membres et l’ascension vers le sommet, en passant par tous les grades intermédiaires, la direction des travaux à tous les degrés soient soumis au contrôle et à l’assentiment unanime de ceux qui, arrivés au sommet de la hiérarchie, assureront la marche aussi parfaite que possible de tous les échelons.

Notre intention est également de greffer sur le nouveau groupement maçonnique un organisme destiné à servir d’intermédiaire à l’égard du milieu profane par l’organisation, en tenues fermées, de conférences confiées à des maîtres en toutes connaissances.

A ces conférences seront conviés les profanes dont nous chercherons à obtenir la collaboration directe ou indirecte pour faire rayonner à l’extérieur l’esprit de la véritable

Maçonnerie, tolérante et éclectique, à la culture de laquelle nous voulons nous consacrer uniquement mais intensément, estimant que cette tâche est suffisante pour notre activité et qu’elle est utile à notre pays dans les circonstances difficiles de l’heure présente.

Notre projet mérite-t-il l’excès d’honneur que lui font certains membres du Grand Orient qui, feignant de croire à l’existence d’un danger catastrophique au sein du Grand Orient, ont jeté un cri d’alarme plus destiné à créer au sein des Loges une agitation dont ils espèrent, peut-être, tirer parti plus qu’à conjurer un danger qui n’existe que dans leur imagination surexcitée par des raisons que je renonce à connaître, puisqu’on s’est toujours refusé à les exposer en ma présence, sans doute parce qu’elles procèdent d’un sentiment quelque peu anti-fraternel. ‘ La réalité est beaucoup plus simple : quelques Francs-Maçons, refusant de souscrire ou de s’associer tacitement par leur présence aux tendances d’extériorisation de la Franc-Maçonnerie et à sa participation sous une forme quelconque à la lutte de partie ou de classes, ni à la propagande au profit d’un parti, quel qu’il soit, préconisées par certains Maçons dont le nombre augmente sans cesse dans la région parisienne.

Ils ne veulent point non plus en allant combattre, avec l’activité nécessaire, ces tendances dans les Ateliers, à l’Assemblée Générale ou dans les Congrès et créer dans ces divers milieux une agitation qui, dans les circonstances actuelles, risquerait d’être préjudiciable à l’idée maçonnique en suscitant des discussions trop vives concernant lesdites tendances. Malgré le regret que leur causerait l’abandon d’ateliers dans lesquels s’est écoulée une longue et active carrière maçonnique (42 années pour moi), ils préféraient laisser le champ libre à leurs contradicteurs pour transformer, selon leur désir, le Grand Orient en un centre d’action politique, dans un sens que nous respectons sans chercher à le connaître, en agnostiques d’une tolérance absolue que nous désirons rester, mais auquel nous estimons, avec les Maçons de tous les temps et de tous les paye, la Franc-Maçonnerie doit rester étrangère.

Ne voulant cependant pas abandonner le culte d’un idéal auquel un long passé nous rattache, nous chercherons sans éclat, ni bruit, un centre maçonnique où nous nous retirerons pour travailler en toute sérénité au but ci-dessus indiqué. Ce centra fonctionnera dans les conditions qui seront subordonnées à la réponse faite par le Conseil de l’Ordre aux propositions qui lui sont faites et qui témoignent de notre désir de demeurer au sein du Grand Orient, sinon en accord fraternel avec lui et avec ses membres.

Il a plu à nos adversaires de faire autour de notre projet une agitation et une campagne quelque peu injurieuse en dénaturant nos intentions. Ils nous ont ainsi forcés à sortir du silence que nous nous étions imposé et ils ont également fourni à certains Maçons désirant quitter un Ordre où ils se sentaient menacés dans leurs intérêts et leur sécurité matérielle, un prétexte et une occasion pour le quitter. Ces derniers Maçons, nous ne les considérons point comme se solidarisant avec nous, nous les répudions et la sévérité du recrutement de notre groupement leur en interdira l’entrée qu’ils ne solliciteront certainement pas, trop heureux qu’ils sont de sortir de l’arène des luttes actuelles. « 

« Pro Patria et humano generu per Caritatem Scientiam et Rationem » telle sera notre devise.

Docteur Camille SÀVOIRE,

Eques e Fortitudine

Grand Prieur des Gaules.

Déclaration de Camille Savoire (2) | Rite Ecossais Rectifié
Camille Savoire publia la même année que cette Déclaration, en septembre 1935, un ouvrage intitulé « Regards sur les Temples de la Franc-maçonnerie ». Jean-Marc Vivenza vient de prendre l’initiative de rééditer cette publication qu’il accompagne  d’une intéressante préface à propos de Camille Savoire : « Vie, pensée et parcours initiatique d’un franc-maçon du Régime écossais rectifié ».

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JCS

Avec une pratique de plus de vingt années du Rite Écossais Rectifié, J.C. Sitbon a été Vénérable Maître de sa loge de 2003 à 2006 et rédacteur en chef, jusqu’en 2008, de L’Etroit Lien, journal destiné à une dizaine de loges provençales travaillant au Rite Écossais Rectifié.

En 2009, il fonde et depuis anime le Cercle d’Etudes et de Recherches sur le Rite Écossais Rectifié  (CERRER), situé à Marseille, dont les travaux visent à approfondir l’histoire des origines, de la structuration et de l’évolution de ce rite maçonnique. LE CERRER accorde également une place importante à l’étude de la symbolique et aux spécificités du Rectifié, tout en privilégiant une approche universelle.