Pierre brute | Rite Ecossais Rectifié -2

Pour l’Apprenti, le travail sur la pierre brute est une exigence : « Mon Frère, comme Apprenti, vous devez travailler sur la pierre brute… » (Rituel de réception au 1er grade du Rite Ecossais Rectifié) Ce que ne manque pas de rappeler l’Instruction morale du 2ème grade de ce même rite : «  Comme Apprenti vous aviez travaillé à la Pierre brute, et ce travail vous avait été expressément recommandé comme indispensable »

La pierre brute, sujet et objet à la fois 

« Frère apprenti, cette pierre sur laquelle vous venez de frapper est un emblème vrai de vous-même. » Le franc-maçon qui, symboliquement, travaille la pierre brute en exerçant ses pouvoirs et son savoir sur la matière, l’exerce aussi sur lui-même.

On touche là à une des originalités de l’initiation maçonnique. En effet, le franc-maçon est à la fois l’ouvrier de la pierre et la pierre elle-même. Il est en même temps le sujet et l’objet de son travail. Le symbole de la pierre brute confond donc, dans une même représentation, celui qui transforme et l’objet de la transformation.  

Sujet et Objet ne font qu’un. Comme le maçon construit le Temple, il se « construit » lui-même. Le travail maçonnique permet donc de former l’objet travaillé et, en même temps, le sujet travaillant, tel l’architecte, Eupalinos, cher à Paul Valéry, qui disait « qu’à force de construire, … je crois bien que je me suis construit moi-même. »[1]

[1] Eupalinos ou l’Architecte a été publié à Paris chez Gallimard en 1921 en guise de Préface à un recueil intitulé Architectures. Paul Valéry (1871-1945) compose un dialogue entre Phèdre et Socrate qui se retrouvent au royaume des Morts. Phèdre rappelle à Socrate le souvenir de l’architecte Eupalinos, constructeur du temple d’Artémis, avec lequel il s’était lié et qui réussissait, selon ses propres termes, à faire « chanter les édifices ».

La pierre brute porte en elle son futur

La pierre brute est un signe de l’inaccompli. Cela signifie que, pour la Franc-Maçonnerie, l’homme n’est pas « fini », il est à construire (ou à reconstruire). Si la pierre brute symbolise bien l’homme dans son état d’imperfection, elle intervient aussi comme l’emblème de l’homme perfectible, de ce qui n’est pas encore exploité, de ce qui est à découvrir et à enrichir. La pierre brute porte en elle son futur, elle se définit comme « ce qui n’est pas » ou comme « ce qui n’est pas encore ».

Le Rite Ecossais Ancien et Accepté définit la pierre brute comme « le produit grossier de la nature, que l’art doit polir et transformer. » Cette pierre brute est irrégulière et n’a aucune forme nettement définie. Elle est « brute et informe » dit le Rectifié à tel point que « les Maîtres mêmes n’en pouvaient connaître ni les défauts ni la beauté ». Pour se reconnaître et s’accepter en tant que pierre brute, il faut sans doute que l’Apprenti fasse preuve de beaucoup d’humilité, cette humilité qui n’est pas le propre du maçon débutant car elle doit être présente tout au long de la vie du maçon, à l’image de la pierre brute dénuée de tout paraître, exprimant modestie et simplicité.

Au Rite Ecossais Rectifié, les trois premiers coups frappés sur la pierre brute avec le maillet confirment l’Apprenti dans cette triple obligation de « chercher, persévérer, souffrir » car, en effet, la recherche du « perfectionnement » maçonnique de soi-même est le résultat d’une affirmation volontariste de l’homme contre une condition que, de fait, il n’accepte pas de vivre en l’état. Il prend ainsi conscience que sa carrière maçonnique doit être conçue comme une lutte ou comme un combat, c’est-à-dire selon quelque chose de dynamique, qui suppose un effort continu, un travail sans relâche et un engagement de tout l’être.

Pierre brute | Rite Ecossais Rectifié

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JCS

Avec une pratique de plus de vingt années du Rite Écossais Rectifié, J.C. Sitbon a été Vénérable Maître de sa loge de 2003 à 2006 et rédacteur en chef, jusqu’en 2008, de L’Etroit Lien, journal destiné à une dizaine de loges provençales travaillant au Rite Écossais Rectifié.

En 2009, il fonde et depuis anime le Cercle d’Etudes et de Recherches sur le Rite Écossais Rectifié  (CERRER), situé à Marseille, dont les travaux visent à approfondir l’histoire des origines, de la structuration et de l’évolution de ce rite maçonnique. LE CERRER accorde également une place importante à l’étude de la symbolique et aux spécificités du Rectifié, tout en privilégiant une approche universelle.