Lacs d'amour | Rite Ecossais Rectifié

L’expression « lacs d’amour » désigne, dans de nombreux rituels de la Maçonnerie française, les nœuds de la Houppe dentelée. Le Rite Français par exemple appelle aussi cette Houppe « Cordelière à lacs d’amour ».

Cet article consacré aux « lacs d’amour » fait suite aux deux articles déjà publiés à propos de la Houppe dentelée.

En qualifiant la Houppe dentelée « d’ornement » les rituels maçonniques semblent ôter à ce cordon toute vocation opérative dans l’acte de construction et atténue le rapprochement que certains commentateurs ont tenté d’établir avec la « corde à nœuds » des maçons de métier, servant notamment à délimiter et à tracer un édifice.  

Cette distance avec une signification opérative de la Houppe dentelée est confirmée par l’appellation surprenante de « lacs d’amour » qui va être attribuée par certains rituels de la Maçonnerie française aux nœuds présents sur cette corde.

Les nœuds de cette corde, appelés donc  » lacs d’amour « , ont une forme spéciale : ils sont plats et représentés desserrés, ils ont la figure d’un huit couché. Signalons que le mot  » lacs  » désigne ici un nœud coulant et aussi un lacet (cordon étroit qu’on passe dans les œillets pour serrer, attacher). On retrouve le mot « lacs » dans le verbe « entrelacer » (entrelacs).

Notons que le Rite Ecossais Rectifié appelle la Houppe dentelée, « Cordon à houppes dentelées », et que l’expression « lacs d’amour » n’est jamais mentionnée dans ce rite.

Les « lacs d’amour » dans l’Héraldique 

L’expression « lacs d’amour » est utilisée dans l’Héraldique, c’est-à-dire dans l’art relatif aux blasons et aux armoiries. On trouve effectivement, dès le Moyen Age, l’image d’une cordelière formée de lacs d’amour et se terminant par une houppe dans les armoiries de chevaliers, de dignitaires de l’Eglise (cardinaux, prélats, abbés) ou de certains monastères. Dans ce contexte, on peut voir dans ce symbole une représentation de l’indissoluble amitié, de la foi jurée et inaltérable. 

On trouve cette même figure héraldique dans le blason de femmes nobles qui étaient veuves. Dans son « Dictionnaire héraldique » écrit en 1949, Georges de Crayencour écrit ceci : « Les Veuves portent deux écus : celui aux armes de leur mari et le leur ; tous deux accolés et entourés, à partir du XVIe siècle, d’une cordelière à entrelacs ou d’un cordon de soie tressé d’argent et de sable…La cordelière en filet à nœuds est une sorte de lacs d’amour… » On peut voir là un signe de l’amour éternel et de l’indissolubilité de leur mariage avec l’époux perdu. Ce « cordon de la Veuve » ne manqua pas de susciter peut-être l’engouement des Maçons dont les rituels disent qu’ils sont eux-mêmes « Enfants de la Veuve »…

 Les « lacs d’amour » : des nœuds emblématiques

Les « lacs d’amour »  ne manquent pas d’explications symboliques dont nous livrons quelques-unes.

Ces lacs d’amour sont en forme de huit couché (on trouve l’expression « nœuds de huit » au REAA). Le huit couché rappelle le symbole de « l’infini » en mathématique. Cette notion « d’infini » confère à la houppe dentelée une dimension cosmologique, surtout lorsque les « lacs d’amour » sont au nombre de douze (comme au REAA), rappelant ainsi le Zodiaque qui comporte douze signes emblématiques du Tout ordonné et harmonieux où chaque chose est à sa place, où tout est en ordre. 

Le huit couché qui constitue la forme de ces nœuds peut également faire penser à deux mains entrelacées, symbole de l’union et de l’amour fraternels voire de la réconciliation universelle. On peut voir dans les nœuds desserrés le signe d’une profonde ouverture d’esprit, d’ouverture aux autres. Ces mêmes nœuds se resserrent lorsqu’on tire dessus ce qui nous renvoie au symbole de la fraternité et de la solidarité entre maçons, des liens qui les unissent dans l’adversité. 

Ragon écrit, à propose de la Houppe dentelée, que « son entrelacement signifie aussi le secret qui doit entourer nos mystères » et que « son étendue circulaire et sans discontinuité indique que l’empire de la Maçonnerie ou le règne de la Vertu comprend l’Univers dans le symbole de chaque Loge ». Plantagenet rajoute : « La houppe dentelée symbolise la Fraternité qui unit tous les Maçons, et, à ce titre, elle est reproduction matérielle et permanente de la Chaîne d’Union ». 

Dans certains temples maçonniques, une corde, identique à celle qui est dessinée sur le Tapis de loge, est accrochée sur les murs du Temple. Cette corde, qui se termine à chacune de ses deux extrémités par une houppe ou un gland effiloché, entoure le temple au-dessous du plafond, le long des murs de l’orient, du septentrion et du midi (mais pas de celui de l’occident). Ceci n’est pas le cas au RER où la corde ne figure que sur le Tapis de Loge.

Ainsi, la Houppe dentelée est assimilée par certains commentateurs à la représentation graphique de la Chaîne d’Union qui est formée par les Frères ou les Sœurs à la fin de chaque Tenue. Cette interprétation présente cependant la limite suivante : la houppe dentelée est ouverte alors que la chaîne d’union est fermée.

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JCS

Avec une pratique de plus de vingt années du Rite Écossais Rectifié, J.C. Sitbon a été Vénérable Maître de sa loge de 2003 à 2006 et rédacteur en chef, jusqu’en 2008, de L’Etroit Lien, journal destiné à une dizaine de loges provençales travaillant au Rite Écossais Rectifié.

En 2009, il fonde et depuis anime le Cercle d’Etudes et de Recherches sur le Rite Écossais Rectifié  (CERRER), situé à Marseille, dont les travaux visent à approfondir l’histoire des origines, de la structuration et de l’évolution de ce rite maçonnique. LE CERRER accorde également une place importante à l’étude de la symbolique et aux spécificités du Rectifié, tout en privilégiant une approche universelle.