Certains auteurs, n’hésitent pas à raccorder le terme de « loge », aux « logia » qui est le pluriel du mot « logion », et par extension, au mot « logos » qui serait à l’origine du mot « loge ».

Nous avons vu dans un article précédent que la loge maçonnique est un local strictement réservée aux maçons, clos et protégé. Lorsqu’ils sont réunis en loge, les maçons accordent d’ailleurs un soin tout particulier à vérifier que « les avenues sont gardées » et que « la loge est bien couverte », dit le rituel du Rectifié.

Nous pouvons comprendre que les travaux dans la loge maçonnique, devant se dérouler dans la paix et la sérénité, conduisent les maçons à « s’isoler » et à se préserver de l’agitation du monde extérieur. Ils sont censés avoir « laissé les métaux à la porte du temple ». Ainsi, les comportements et habitudes profanes doivent rester à l’extérieur pour laisser la place à la réflexion et à la méditation.

Mais je voudrais soumettre à la réflexion l’idée que la « protection » de la loge pendant les tenues serait également rendue nécessaire parce que la loge serait le lieu de circulation et de transmission d’une connaissance ésotérique par nature réservée à des initiés.

La loge, le logion

Cette hypothèse se fonde sur le rapport que certains ne manquent pas d’effectuer entre le mot « loge » et le terme grec « logia » qui est le pluriel du mot « logion ». Que sont les logia ?

« Un logion (en grec : λόγιον), au pluriel logia (λόγια), est, dans la Grèce antique, une parole d’inspiration divine ou sacrée. Dans la tradition du judaïsme hellénique comme du christianisme, le terme est synonyme de « Parole du Seigneur » (source Wikipédia). Les logia désigneraient donc initialement des oracles divins.

Pour la tradition chrétienne, les « logia » seraient des paroles de Jésus, adressés à des personnages privilégiés (apôtre ou disciple). « … ces « dits » de Jésus étaient censés révéler un enseignement secret. Jésus aurait ainsi pratiqué l’arcane, en donnant un sens occulte à certaines de ses paroles », écrit Yann Druet.

Cette idée d’enseignement secret ou du moins réservé à des « initiés » est présente dans le dialogue entre les disciples et Jésus : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? Jésus leur répondit : Parce qu’il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux, et que cela ne leur a pas été donné … » (Matthieu 13, 10-11)

L’Église primitive (celle des premiers chrétiens) faisait grand cas des logia, des « dits » de Jésus que l’on se transmettait de bouche à oreille. Certains de ces logia sont consignés dans les Evangiles mais beaucoup d’entre eux se retrouvent dans plusieurs écrits dits « apocryphes ».

Parmi ces écrits apocryphes, citons l’Évangile de Marie dont l’auteur présumé est Jacques ou bien encore l’Évangile de Thomas qui se présente comme un recueil de 114 dits (logia) attribués à Jésus. Il est intéressant de noter que le mot « apocryphe » vient du grec apokrypha, dérivé du verbe kryptein que l’on traduit par « cacher », qui signifie « gardé secret et dérobé à la connaissance du public ». On peut donc en conclure que, dans sa première origine, le mot « apocryphe » s’appliquait aux livres « cachés » ou « secrets ». Ce n’est que plus tard que ce mot a pris un sens péjoratif en désignant par exemple des écrits qualifiés d’hérétiques car non conformes aux dogmes et au canon de l’Eglise romaine.

La loge, le logos

Il est très tentant d’établir un parallèle entre le logion (le « dire » du Christ) et le logos dont il serait issu. Le logos, le Verbe dont parle l’Évangile de Jean (I, 1-5) qui est, chez les Chrétiens, la Parole de Dieu « au commencement », l’intelligence divine organisatrice du monde qui s’incarnera en Jésus.

Ainsi, un savoir secret serait inclus dans le Verbe christique, dans le logos, dans le logion, dans les Logia, dans les loges, lieux secrets de la transmission de la connaissance initiatique à « des initiés » liés par des serments et des engagements …

 

 

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JCS

Avec une pratique de plus de vingt années du Rite Écossais Rectifié, J.C. Sitbon a été Vénérable Maître de sa loge de 2003 à 2006 et rédacteur en chef, jusqu’en 2008, de L’Etroit Lien, journal destiné à une dizaine de loges provençales travaillant au Rite Écossais Rectifié.

En 2009, il fonde et depuis anime le Cercle d’Etudes et de Recherches sur le Rite Écossais Rectifié  (CERRER), situé à Marseille, dont les travaux visent à approfondir l’histoire des origines, de la structuration et de l’évolution de ce rite maçonnique. LE CERRER accorde également une place importante à l’étude de la symbolique et aux spécificités du Rectifié, tout en privilégiant une approche universelle.