Tous les rites initiatiques veulent se situer hors du temps commun, du temps appelé « vulgaire » qui n’est qu’une mesure relative de la succession des choses transitoires. On évoque la notion de « temps sacré » qui s’oppose au temps humain qui est le temps où se passe le changement c’est à dire l’usure biologique de chaque individu qui mène inéluctablement à la mort.

Pour la Franc-Maçonnerie, que ses travaux en loge durent quelques minutes, une heure ou plus encore, ils ouvrent à midi et se ferment à minuit, et ce, de manière immuable. Cela indique bien que ces heures de midi et de minuit n’ont pas grand-chose de commun avec le temps usuel. Le temps maçonnique se situe hors du temps commun, il ne se soucie pas de l’heure astronomique.

René Guénon évoque la notion du « triple temps » : « … la lune et l’œil gauche correspondent au passé, le soleil et l’œil droit à l’avenir, et le « troisième œil » au présent, c’est à dire à « l’instant » indivisible qui, entre le passé et l’avenir, est comme un reflet de l’éternité dans le temps. »

Nous touchons à la notion de « l’éternel présent » dont le philosophe Schopenhauer dit : « Le présent : ce point sans étendue qui divise en deux le temps sans bornes et qui demeure en place, invariable, semblable à un perpétuel midi auquel ne succèderait jamais la fraîcheur du soir »

Temps profane et Temps sacré

Dans la Loge ou dans le Temple maçonnique, le temps profane est comme arrêté, il laisse la place au « temps sacré », un temps qui est hors du créé, hors de la durée. Ce temps est non quantifiable, il n’est susceptible d’aucune mesure au point de vue de la durée ; il n’a ni commencement ni fin.

A midi plein, nous abandonnons le monde du mesurable et du quantifiable pour tenter de vivre la qualité de l’absolu, et c’est en cela notamment que nous avons affaire à un temps dit sacré.

A midi, dans cet instant immobile, nous entrons dans un monde paradoxal, puisque vidé des tensions et des conflits qui définissent le monde profane. Comme au cœur du cyclone, les turbulences disparaissent et le temps n’est plus fractionné en morceaux. Ne plus se mouvoir et n’être plus déchiré par des tensions entre les contraires équivaut à la liberté absolue, à la parfaite spontanéité. Nous pénétrons symboliquement au cœur de nous-même, au cœur de notre être. Bouddha disait en substance : « Le meilleur mouvement est dans l’immobilité car c’est ainsi que l’on trouve l’Univers en soi ».

Midi est l’heure la plus propice à la découverte de l’Etre, c’est, comme le dit Carl Jung : « l’heure de la disparition du moi et l’apparition de la présence du soi ». Saint Augustin écrivait : « L’éternité n’est rien d’autre que la parfaite possession de soi en un seul et même instant. »

Le temps fuit et s’efface à nos yeux …

Terminons par ces belles formulations du Rite Ecossais Rectifié :

« Le maçon doit désirer le temps où il pourra sans relâche et sans intervalles, employer les heures, les jours, les mois et les années à perfectionner ses travaux ».

« … le temps fuit et s’efface à nos yeux, mais il est toujours en présence du Grand Architecte de l’Univers. Devant lui, tous les instants seront à jamais marqués par nos actions ; employons donc, dès à présent, ceux qui nous seront accordés à faire le bien, ne les consumons pas en vain dans l’oisiveté ou dans des occupations frivoles, et ne nous écartons jamais envers nos Frères ni envers les autres hommes, des Lois de la Justice et de la Charité ».

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JCS

Avec une pratique de plus de vingt années du Rite Écossais Rectifié, J.C. Sitbon a été Vénérable Maître de sa loge de 2003 à 2006 et rédacteur en chef, jusqu’en 2008, de L’Etroit Lien, journal destiné à une dizaine de loges provençales travaillant au Rite Écossais Rectifié.

En 2009, il fonde et depuis anime le Cercle d’Etudes et de Recherches sur le Rite Écossais Rectifié  (CERRER), situé à Marseille, dont les travaux visent à approfondir l’histoire des origines, de la structuration et de l’évolution de ce rite maçonnique. LE CERRER accorde également une place importante à l’étude de la symbolique et aux spécificités du Rectifié, tout en privilégiant une approche universelle.